Voir la vie en couleur

Par Florence Ferland

Ce texte fut d’abord rédigé dans le cadre du cours de psychologie humaniste de l’UQÀM (PSY4191), puis édité pour le Journal Psy-curieux.

Il est à noter que le terme générique « personnes trans », désignant les individus dont le genre est différent du sexe assigné à la naissance, sera utilisé dans cet essai pour parler à la fois des personnes transgenres et transsexuelles1.

Contraste de couleur 

Tout être humain est maître de son existence. Toutefois, d’un point de vue existentiel, iel n’a aucun contrôle sur le début et la fin de cette existence. Sa condition se fonde sur une limite débutant par la naissance et se terminant par la mort : deux phénomènes qui échappent à tous. Par exemple, aucun individu ne détient la possibilité de choisir le moment de sa naissance, de choisir sa famille, sa nationalité, sa personnalité, ses traits physiques ou son sexe. Chacun.e nait et, par la suite, attribue un sens à sa vie, en existant tout simplement. Le corps ne se définit donc pas par une essence préétablie, mais bien par son existence lui-même2. Tout comme la condition humaine existentielle, le corps pose une limite fondamentale, soit le fait qu’il nous échappe3. En d’autres mots, les attributs biologiques d’un individu ne sont pas porteurs de sens en eux-mêmes, considérant que le sexe de l’individu à sa naissance est hors de son contrôle4. Derrière la matérialité du corps, ce que l’on voit et ce que l’on peut toucher, il y a un ressenti de ce corps, voire une expérience subjective qui prédomine la personne qui l’habite5. Cette expérience corporelle est vécue différemment par chacun et est orientée par l’extérieur, notamment par la culture, les valeurs, l’espace, les lieux, et même autrui. En outre, cette orientation peut s’avérer dévastatrice quant à la façon de percevoir son corps, notamment lorsqu’elle est oppressante pour l’individu. Par conséquent, se sentir prisonnier et incompris dans son corps peut être réellement souffrant, au point de remettre en question son existence. Que ce soient des barrières au travail, de la discrimination dans le système de la santé, des violences verbales, physiques ou de la cyberintimidation, les personnes trans peuvent vivre ces réalités sociales encore présentes au sein de la société, comme une « […] quasi-interdiction d’exister […] »6. Autrement dit, ces limites créées par autrui peuvent être perçues comme une interdiction d’être soi-même et briment ainsi le désir d’actualisation. Dans ce cas, ce fardeau pourrait rendre le quotidien insupportable au point de commettre des comportements autodestructeurs, voire vouloir mettre fin à son existence pour se libérer de ce mal-être7. Or, L’accumulation d’évènements générant constamment une remise en question sur son identité tend à perturber le Soi.

Retrouver sa couleur 

Notre société n’est pas parfaite. Bien qu’elle laisse de plus en plus de place à l’ouverture et la diversité, nous habitons encore dans le même monde que ceux qui invalident l’existence des personnes faisant partie des communautés LGBTQQI2SAA+. Malheureusement, ces mêmes personnes sont souvent celles qui n’essaient même pas d’écouter la réalité des autres. Ceci étant dit, comment faire pour être compris par autrui si nous sommes constamment en contact avec des personnes qui ne vivent pas notre histoire? Comment deux subjectivités peuvent-elles se rencontrer et se comprendre? Ce serait à travers le dialogue que l’on pourrait tous présenter nos différences pour les comprendre et ainsi en retour, mieux se comprendre. L’humain est lié au monde et pour le comprendre, iel interprète celui-ci par ses propres moyens : ses interprétations. Évidemment, celles-ci colorent la manière dont l’humain vit ce monde. Néanmoins, pour installer un climat propice à l’échange, toustes doivent fournir un effort pour ouvrir le dialogue et mettre de côté leurs préconceptions, afin de percevoir le monde autrement, sans voir ou prendre quoi que ce soit pour « normal » ou évident8. Se laisser étonner à travers le dialogue serait un pas de plus vers la suppression de la discrimination, vers une diminution de la détresse psychologique et vers une société plus inclusive.

En d’autres termes, le dialogue autorise l’individu à effectuer un détour par l’autre pour se rencontrer soi-même. Cette façon de faire peut être perçue, par exemple, pour une personne trans, comme une manière de se libérer de son corps souffrant, le temps d’un moment, pour ainsi mieux le comprendre et apprendre à le réhabiter. De ces détours émerge continuellement une nouvelle interprétation qui donne la possibilité à la personne de revisiter son identité. Tenter de retrouver ce Soi authentique qui a été maquillé et modulé par les attentes de la société peut occasionner de la souffrance par les mauvais souvenirs qui s’y rattachent. Par ailleurs, les interprétations feront place à une ouverture vers un nouveau sens de la perception de soi-même. Au fil du temps et des échanges, il sera possible de tendre vers un Soi authentique, donc de rendre envisageable cette actualisation du Soi. En revanche, cette transformation n’est jamais ni définitive ni terminée9. L’interprétation et l’actualisation de soi sont des processus actifs qui perdurent. C’est alors via les échanges que l’humain peut s’adapter au monde qui est constamment en mouvement et en changement.

Bien évidemment, les échanges doivent s’opérer à travers des relations humaines et chaleureuses afin que l’individu puisse se réinterpréter à partir de l’autre, et ainsi s’actualiser. Cela dit, un environnement propice à la transformation, à l’expérimentation et à l’expansion est un milieu opportun pour permettre à un individu de s’émanciper. Certes, il est pertinent de se questionner quant à cette actualisation à une autre échelle. S’il est possible pour un individu de s’actualiser lorsque son environnement lui permet, en serait-il de même quant aux transformations s’opérant dans la société? Peut-on envisager des changements indispensables pour le bien de toustes, si le milieu n’est pas prêt à s’adapter? Comment peut-on s’attendre à ce que la société évolue si la culture est encore à ce jour porteuse de valeurs discriminatoires, d’attitudes violentes et de discours haineux face à la diversité? Dans ce cas, est-il réaliste de penser que la société pourra un jour atteindre une actualisation véritable, de telle sorte qu’elle soit complètement authentique aux individus qui la composent?

Ressources d’aide auprès des victimes et témoins :
Interlignehttps://interligne.co
​​Ligne d’écoute : 514 866-0103 (Montréal) et 1 888 505-1010 (sans frais) 
Clavardage et texto : 1 888 505-1010
Clinique juridique : 1 888 970-2720 (sans frais)

Organisme LGBTQ+ – https://lejag.org
Téléphone : 450 774-1349

Aide aux jeunes LGBTQ+ de 14 à 25 ans – https://p10.qc.ca/fr/contact/
Téléphone: 514-989-0001

Aide aux personnes trans du Québec – https://atq1980.org
Téléphone: 1 855 909-9038 #1
Ressources pour la défenses des droits :
La Coalition des familles LGBT+ – https://familleslgbt.org

Conseil Québécois LGBT – https://conseil-lgbt.ca

Fondation Émergence – Lutte contre l’homophobie et la transphobie https://www.fondationemergence.org
Ressources pour porter plainte :
Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse
https://www.cdpdj.qc.ca/fr/porter-plainte/je-veux/porter-plainte-pour-discrimination-ou-harcelement

CNESST – https://www.cnesst.gouv.qc.ca/fr

Références

  1. Wells, V. S. (2022) Transgenre. Dans L’encyclopédie Canadienne. https://www.thecanadianencyclopedia.ca/fr/article/transgenre
  1. Le Bon de Beauvoir, S. (2020). Le Deuxième sexe. L’esprit et la lettre. Cahiers Sens public, 28(2), 46‑59. https://doi.org/10.3917/csp.028.0046
  1. Boissonneault, C. (2022). PSY4191 – Psychologie humaniste : Corps et corporéité [Présentation PowerPoint]
  1. Ibid
  1. Ibid 
  1. Morin, L.-A., Brosseau, S., & Vinit, F. (2020). L’accompagnement vers l’actualisation de l’identité de genre selon la psychologie humaniste-existentielle du Soi. Frontières, 31(2). https://doi.org/10.7202/1070337ar
  1. Ibid
  1. Boissonneault, C. (2022). PSY4191 – Psychologie humaniste : Ancrage herméneutique [Présentation PowerPoint]
  1. Ibid

Corrigé par Émilie PauzéMegan Racine et Rosalie Villeneuve

Révisé par Ariane Chouinard et Florence Grenier

Illustration originale par Laurie-Anne Vidori