L’anxiété dans le sport 

Par Suzie Rousseau

Au cours des dernières années, un nombre croissant d’athlètes ont annoncé publiquement dans les médias qu’ils renonçaient à des compétitions ou à des matchs, non pas pour des blessures physiques, mais en raison de santé mentale. Par exemple, Jonathan Drouin a pris un congé en avril 2021 pour le reste de la saison des Canadiens de Montréal, Naomi Oskaka a déclaré forfait à l’Open de France de tennis en mai 2021 et Simone Biles a renoncé à certaines compétitions de gymnastique aux Jeux olympiques de Tokyo en juillet 2021 1.

Définir l’anxiété dans le contexte sportif

L’anxiété, présente chez les athlètes de tous niveaux, est « un état psychologique désagréable en réaction à un stress perçu concernant l’exécution d’une tâche sous pression », accompagné de symptômes cognitifs et somatiques (pensées négatives et degré d’activation physique respectivement 2).

Dans un contexte sportif de haut niveau, l’anxiété qu’un.e athlète peut ressentir est souvent considérée comme une réponse typique lorsque ses compétences sont évaluées dans une compétition, et peut également être ressentie avant, pendant, et après la compétition. Par contre, l’anxiété peut devenir généralisée et même représenter une partie stable de la personnalité, donc n’est pas seulement temporaire et spécifique à une situation donnée 3.

Des résultats relatifs aux athlètes canadiens qui ont participé aux Olympiques de l’été 2020 démontrent que 31,7 % avaient des symptômes de dépression  et 18,8 % avaient des symptômes d’anxiété générale (12.9% modérée, et 5.9% sévère). Ces statistiques sont similaires à celles rapportées parmi les populations d’athlètes d’élite d’autres pays. Cela est plus élevé que la population canadienne, où des recherches d’auto-déclaration des symptômes de troubles mentaux ressentis par les Canadiens étaient d’environ 10 % des adultes canadiens au cours des 12 derniers mois 4

À la lumière de ce qui vient d’être évoqué, qu’est-ce qui explique que les athlètes soient plus nombreux à discuter de cette anxiété publiquement?

Entrevue informelle avec Dr Robert J. Vallerand, Ph.D

Dr Vallerand est professeur titulaire en psychologie à l’Université du Québec à Montréal dans la section de psychologie sociale et personnalité. Il  possède une Chaire de Recherche du Canada de niveau 1 afin d’étudier les processus motivationnels et il est directeur du Laboratoire de recherche sur le comportement social. Il a un intérêt marqué pour la psychologie du sport, et nous l’avons rencontré pour discuter de cet enjeu. 

Le Professeur Vallerand nous a partagé que les athlètes sont peut-être plus nombreux à s’exprimer sur les problèmes d’anxiété comme il y a plus d’ouverture à partager dans l’espace public des sujets plus personnels. Par ailleurs, il y a de plus en plus d’accent mis sur l’importance des programmes pour soutenir les athlètes et les accueillir dans leurs problématiques, quelles qu’elles soient. 

Une des raisons de cette anxiété est que certain.e.s athlètes développent une passion obsessive envers leur sport. Dr Vallerand explique qu’il y a deux types de passions selon le modèle dualistique de la passion (Vallerand, 2015): la passion harmonieuse et la passion obsessive. Ce modèle est applicable pour tous les types d’activités, et dans le cas des athlètes, ceci s’applique à leur passion pour leur sport bien précisément. Les deux types de passion permettent d’atteindre des niveaux de haute performance. Toutefois, avec la passion harmonieuse, les athlètes peuvent s’impliquer dans d’autres sphères de leur vie et en retirer un bonheur accru, au-delà du sport. Cependant, ce n’est pas le cas avec la passion obsessive.

Dans le premier type de passion, l’athlète est capable de concourir à un niveau élevé sans avoir d’incidence sur sa vie personnelle et ses autres responsabilités. Dr Vallerand évoque l’exemple de José Théodore, ancien gardien de but de hockey professionnel, qui était connu pour sa passion pour la guitare, et qui prenait le temps de pratiquer ses deux passions. Inversement, la passion obsessive tend à créer plus d’anxiété et de débalancement dans la vie des athlètes. Les athlètes qui ont une passion obsessive ont tendance à se concentrer uniquement sur le sport qu’ils ont choisi, ce qui ainsi augmente le surentraînement et peut entraîner davantage d’épuisement professionnel. Si une deuxième activité était intégrée à leur routine, cela réduirait le risque d’épuisement si, et seulement si, cette activité est une passion harmonieuse (sinon, elle continue et exacerbe le cycle de la passion obsessive). Dr Vallerand a écrit des centaines d’articles sur la psychologie du sport, et je vous recommande d’y jeter un coup d’œil entre deux cours

Pour en apprendre plus 

Si vous êtes intéressés à en apprendre davantage sur la psychologie du sport, le cours KIN3630 – Psychologie du sport, dans la discipline de sciences de l’activité physique, est une bonne introduction sur différents phénomènes psychologiques reliés à la psychologie du sport. 
La psychologie du sport, qui peut sembler être à l’écart à première vue du reste des cours du baccalauréat en psychologie, peut être étudiée en utilisant des approches de chacune des neuf sections en psychologie de l’UQAM, que cela soit en clinique ou en recherche. Ce n’est donc pas un sujet à négliger. N’hésitez pas à en parler à des professeur.e.s si la psychologie du sport vous intéresse! 


Références 

(1) Le Devoir. (2021, 29 juillet). Santé mentale: les athlètes de calibre international ne sont pas invincibles https://www.ledevoir.com/sports/621339/sante-mentale-les-athletes-de-calibre-international-ne-sont-pas-invincibles  

(2) Jessica L Ford, Kenneth Ildefonso, Megan L Jones & Monna Arvinen-Barrow (2017) Sport-related anxiety: current insights, Open Access Journal of Sports Medicine, 205-212. https://doi.org/10.2147/OAJSM.S125845 

(3) Ibid

(4) Poucher, Z. A., Tamminen, K. A., Sabiston, C. M., Cairney, J., & Kerr, G. (2021). Prevalence of symptoms of common mental disorders among elite canadian athletes. Psychology of Sport & Exercise57. https://doi.org/10.1016/j.psychsport.2021.102018 

Vallerand, R.J. (2015). The psychology of passion: A dualistic model. Oxford University Press.


Corrigé par Rosalie Villeneuve, Emmanuelle Reeves et Anne-Marie Parenteau

Révisé par Ariane Chouinard et Florence Grenier

Illustration originale par Mariam Ag Bazet (@marapaname)