Santé mentale et politiques publiques

Par Suzie Rousseau

Le 7 février 2023, le gouvernement fédéral a annoncé que 196.1 milliards de dollars sur 10 ans seront transférés aux provinces et territoires. Sur ces 46.2 milliards de dollars de nouveau financement, 25 milliards seront réservés pour des priorités nationales, incluant la santé mentale1. Comme nous le savons, la santé mentale est évaluée en fonction de notre bien-être psychologique et émotionnel et importe tout autant que notre santé physique. Le but de cet article n’étant pas de se questionner à savoir si les fonds annoncés sont insuffisants ou non, mais de mettre en lumière qui est responsable de la santé mentale au Canada. Donc, comment les psychologues sont-ils consultés pour le développement de politiques publiques et programmes en santé mentale?

La santé mentale – une responsabilité provinciale ou fédérale?

Les provinces/territoires et le gouvernement fédéral ont tous deux des responsabilités dans les domaines de la santé mentale et la gouvernance associée implique de multiples ministères et organismes à tous les niveaux. Ils sont responsables d’organiser, de financer et de mettre en place la prestation des services de soutien en santé mentale au Canada2.

Le gouvernement fédéral est responsable de la prestation de services de santé mentale pour les militaires et les vétérans, la Gendarmerie royale du Canada, les pénitenciers fédéraux, les immigrants arrivant au Canada et les employés de la fonction publique. Il a aussi diverses responsabilités reliées à la santé mentale comme la promotion de la santé globale, l’approbation de médicaments et la prestation d’emploi et d’invalidité, pour ne nommer que ceux-là. La Commission de la Santé Mentale du Canada (CSMC) est chargée du développement de programmes pour la santé mentale des Canadiens et des Canadiennes, et aide les différents paliers de gouvernements à arrimer leurs politiques publiques sur le sujet3.

Au Québec, le ministère de la Santé et des Services sociaux (MSSS) est responsable de la planification, de l’organisation, de la gestion, du financement, du suivi et de l’évaluation des services de santé mentale et de traitement des dépendances. Il y a 18 directions régionales de santé responsables de la prestation de services et de soutien en santé mentale aux patients hospitalisés, externes et communautaires. De plus, ils sont responsables des services essentiels pour la prévention du suicide, comme une assistance téléphonique tous les jours 24h sur 24, les interventions en cas de crise suicidaire incluant l’évaluation, les services de soutien et le suivi approprié4.

Complexité de juridiction

Le résultat de cette juridiction partagée implique que les soins sont donnés dans des hôpitaux, des services spécialisés pour des soins spécifiques, et des cliniques communautaires. Des fournisseurs privés travaillent aussi avec ces groupes pour un but commun, mais fonctionnant différemment avec différentes capacités et qualités de services. Le lien qui les unit est souvent limité, considérant que les systèmes d’information de données ne sont pas liés, malgré les nombreuses initiatives des communautés à travers le pays. Les personnes à la recherche de services ne savent donc souvent pas à qui s’adresser en cas d’urgence5.

Comment les psychologues sont-ils consultés lors de développement de politiques publiques ou de développement de programmes en santé mentale? Perspective d’une professeure de psychologie communautaire – Dre Cécile Bardon

La construction des politiques de santé oscille entre une lecture individuelle des problèmes et une compréhension collective et sociale des enjeux affectant le bien-être des populations. Selon les experts impliqués dans les travaux de réflexion, des approches plus ou moins centrées sur les symptômes individuels sont mises de l’avant. La psychologie communautaire, pour sa part, met l’accent sur l’horizontalité, la participation active et transversale de la communauté à la compréhension des difficultés, et aux politiques devant être mises en place6.

Nous avons parlé à Dre Cécile Bardon, professeure de psychologie communautaire à l’UQAM pour discuter de comment les psychologues naviguent dans le système de santé. De plus, Dre Bardon illustre de nombreuses contributions que les psychologues communautaires pourraient mettre en place afin que les programmes répondent aux besoins de la population. 

Dre Bardon nous a fait part que les psychologues peuvent travailler avec les gouvernements pour le développement de stratégies nationales et de directives communautaires  ainsi que pour la construction et l’évaluation de programmes, pour ne nommer que ceux-là. Ils s’assurent également que ces derniers continuent de répondre aux besoins des citoyens à travers le temps, en participant aux évaluations des besoins des groupes vulnérables.

Par exemple, le ministère de la Santé et des Services sociaux du Québec mandate l’Institut universitaire en santé mentale de Montréal de trouver des solutions pour la prévention du suicide chez les enfants. Dre Bardon, en tant que psychologue communautaire, fait partie du comité multidisciplinaire supervisant le projet. Elle travaille avec des gestionnaires ministériels, des chercheurs et des intervenants pour mettre en place une vision holistique du projet et développer des outils ensemble qui tiennent compte des besoins et spécificités des enfants, de leurs proches, mais aussi des milieux communautaires et d’intervention œuvrant auprès d’eux. 


Du côté fédéral, Dre Bardon explique que des psychologues communautaires ont participé au développement d’Enraciner l’espoir, projet d’intervention pour la prévention du suicide dans diverses régions du Canada. Des pratiques et outils y sont développés avec les membres de diverses communautés canadiennes pour répondre spécifiquement à leurs besoins. Ce projet était également interdisciplinaire de sorte à inclure les connaissances des acteurs clés professionnels et communautaires de la santé mentale.

Avenues du sujet

En d’autres mots, Dre Bardon nous a démontré que les psychologues communautaires ont un vaste champ d’expertise, où l’esprit d’équipe est essentiel pour bien servir les communautés du Québec et du Canada. Si vous voulez en apprendre plus sur le sujet, le cours PSY4121 – Psychologie communautaire est une bonne introduction au sujet (en tant que cours de tronc commun du baccalauréat en psychologie, il est facile d’accès).


Références

(1) Gouvernement du Canada (2023, 7 février). Travailler ensemble pour améliorer les soins de santé pour les Canadiens. https://pm.gc.ca/fr/nouvelles/communiques/2023/02/07/travailler-ensemble-ameliorer-les-soins-de-sante-les-canadiens

(2) Sénat du Canada (2005, 4 octobre). Santé mentale, maladie mentale et toxicomanie : Aperçu des politiques et des programmes au Canada https://sencanada.ca/en/content/sen/committee/381/soci/rep/report1/repintnov04vol1part3-e#:~:text=Policies%2C%20programs%20and%20legislation%20in,involve%20numerous%20departments%20and%20agencies

(3) Commission de la Santé Mentale du Canada (2023, 7 février). À propos de nous. https://commissionsantementale.ca

(4) Sénat du Canada (2005, 4 octobre). Santé mentale, maladie mentale et toxicomanie : Aperçu des politiques et des programmes au Canada https://sencanada.ca/en/content/sen/committee/381/soci/rep/report1/repintnov04vol1part3-e#:~:text=Policies%2C%20programs%20and%20legislation%20in,involve%20numerous%20departments%20and%20agencies

(5) Ibid

(6) Alfaro, J., Rota José María Fernández, Gamonal, P., Martin María Pía, & Verdugo, I. (2021). Analysis of public policy formulation and its effect on the technical and professional work of the community psychologist: a case study. Journal of Community Psychology49(1), 10–29.


Corrigé par Émilie PauzéMélanie Picard et Gabrielle Johnson

Révisé par Ariane Chouinard et Florence Grenier

Illustration originale par Mariam Ag Bazet (@marapaname)