Par Charlène Allaire
Plusieurs pensent à tort que la créativité est réservée aux artistes alors qu’en réalité, nous avons besoin d’être créatifs tous les jours. Que ce soit pour rédiger un travail universitaire, pour cuisiner ou même pour générer du changement en psychothérapie, la créativité est centrale. C’est pourquoi développer son potentiel créateur est pertinent pour tous et j’oserais même dire essentiel. Guy Azanar, fondateur de Créa-France et président de Créa-Université, a développé un processus de création qui met de l’avant le jeu et met de l’arrière nos freins créatifs : la posture sensible. Cette technique est parfaite pour ceux qui veulent créer, mais ne savent pas par où commencer ou pour ceux qui ont peu confiance en leurs habiletés. Soyez tranquille, ce processus vise à déjouer vos peurs, vos incertitudes et vos appréhensions. La posture sensible est composée de trois étapes : l’éloignement, l’émergence et la convergence (Aznar et Ely, 2010).
La première phase, l’éloignement, est cruciale et se déroule dans la lenteur. Contrairement à nos habitudes, nous ne voulons pas commencer par une idée. C’est plutôt le moment de mettre notre cerveau sur pause et de s’ancrer dans notre corps. La règle d’or est « l’immersion dans l’imaginaire » (Aznar et Ely, 2010). C’est donc dire que nous ne voulons pas être guidés par nos pensées, mais plutôt par nos sensations. Nous chercherons des formes floues plutôt que fixes et nous voulons quitter la réalité froide pour nous rapprocher du rêve. Il s’agit de nous éloigner de la logique et d’entrer dans une expérience sensorielle avec la matière. Par exemple, si vous décidez de jouer avec de l’argile, vous pouvez laisser vos mains mouler sans même regarder. Allez-y, tamisez les lumières, mettez de la musique et jouez! Oubliez le stress, les attentes, les beaux produits finis. Dans cet instant, retombez en enfance et utilisez votre matière comme des pièces d’un jeu. Peut-être qu’une sensation de colère vous donnera envie de pétrir, alors qu’une sensation de joie vous donnera envie de la lisser. Dans tous les cas, le plaisir est de mise et il ne faut pas avoir peur d’abandonner tout contrôle. Concrètement, la phase de l’éloignement est celle où nous mettons nos envies de production à distance afin de faire place aux sensations corporelles.
Après cette immersion dans l’imaginaire vient l’étape de l’émergence. Aznar et Ely (2010) qualifient ce moment comme d’un entre-deux, soit un croisement entre la réalité et le rêve. Nous souhaitons maintenant faire un pont entre ce qui a pu ressortir dans l’éloignement et ce qui, plus tard, sera un produit final. Attention, nous ne voulons pas aller trop vite! Il ne s’agit pas de converger tout de suite vers une idée finie, mais de donner un peu plus de formes aux sensations de la première phase. Si nous revenons à notre argile, vous pourriez évoquer à voix haute les sensations ressenties lors du maniement ou bien réfléchir à la manière dont vous vous sentez dans l’instant présent. À cette étape, nous sommes encore dans un espace créatif flou qui n’a pas forcément de destination. Aznar et Ely (2010) disent « différer les idées » dans le sens d’explorer de nouvelles avenues et de diverger vers des formes inhabituelles. Sans doute que la lenteur du processus et le manque de contrôle feront émerger en vous des idées nouvelles ou des associations inusitées, du moins, c’est ce que l’on souhaite.
Finalement, lorsque le jeu se fatigue, nous sommes prêts pour la convergence. Cette étape est encore très libre : nous pouvons concrétiser le projet sur lequel nous travaillons déjà ou bien le mettre de côté et nous en inspirer afin de créer quelque chose de tout autre! Maintenant, c’est bon, allumez la lumière, regardez votre œuvre, cohabitez avec elle. Sa forme inhabituelle pourrait vous faire penser à quelque chose. Les sensations ressenties auparavant vous ont peut-être donné envie d’écrire. Toutes les idées sont bonnes! Dans cette étape, il est temps de ramener les cognitions de l’avant et de faire le tri dans ce que nous avons aimé et moins aimé de l’expérience. Gardez uniquement ce qui fait votre affaire.

Comme vous l’avez sans doute remarqué, deux illustrations de Mariam Ag Bazet accompagnent cet article. C’est avec plaisir et générosité que l’illustratrice du journal s’est prêtée au jeu de la posture sensible afin de vous donner un exemple concret de ce qui peut être accompli à l’aide de cette technique. Inspirée par un exercice fait dans le cours de Pierre Plante, il lui a été demandé de choisir un médium flexible, un outil d’application non conventionnel et de jouer avec sa matière de sa main malhabile. Mariam a choisi l’aquarelle et les pelures de clémentine. Dans une conversation suivant l’exercice, Mariam a exprimé vivre une certaine frustration lors de la convergence (il lui a été demandé de tracer une forme plus concrète dans ses tâches de couleur) puisque les deux premières phases lui amenaient beaucoup de plaisir et de calme. Toutefois, pour ce qui est de « différer les idées » (Aznar et Elzy, 2010), c’est réussi! De cet exercice est née son inspiration pour la seconde image : jouer avec des fruits de manière inusitée! Merci à Mariam pour ce partage. Maintenant, à vos pinceaux!
Référence
Aznar, G. et Ely, S. (2010). La posture sensible dans le processus de création des idées. Éditions Créa Université.
Corrigé par Anne-Marie Parenteau, Florence Ferland et Gabrielle Johnson
Révisé par Ariane Chouinard et Florence Grenier
Illustration originale par Mariam Ag Bazet (@marapaname)