L’importance d’agir tôt : les biais raciaux ancrés dès l’enfance

Par Sabrina Pagé


La première version de ce texte a été écrit dans le cadre du cours Psychologie du développement 2, enseigné par Mireille Babineau à l’hiver 2021. Le but de ce travail était d’analyser une problématique en y ajoutant une touche personnelle, comme dans un article de blogue. L’argumentation devait être appuyée par des articles scientifiques et rester accessible à tous. Dans mon cas, il m’était demandé de répondre à cet énoncé : Les jeunes enfants ne se soucient pas de la race. Il n’est pas nécessaire de faire de la prévention. 


D’abord, qu’est-ce qu’un biais racial ?  

Un biais racial est « une tendance à répondre de façon défavorable aux membres d’une autre race » (W. S. Xiao et al., 2015). Il y a les biais raciaux implicites (qui existent sans être exprimés) et explicites (qui sont clairement évoqués). Aujourd’hui, nous allons nous concentrer sur les biais implicites et leurs conséquences inacceptables. Entre autres, ils peuvent augmenter les inégalités sociales dans divers domaines, notamment en ce qui trait à l’accessibilité des soins de santé ainsi que les opportunités d’éducation et d’emploi (Qian et al., 2016; W. S. Xiao et al., 2015). 

Pourquoi est-il important de reconnaître l’existence de ces biais ? 

Il est capital et même urgent de reconnaître que les biais raciaux existent, et ce, même chez de très jeunes enfants. Reconnaître que les biais raciaux sont malheureusement présents dans notre société permet de développer des interventions adéquates afin de diminuer et/ou d’enrayer ce problème (Dore, Hoffman, Lillard, & Trawalter, 2014). Pour ce faire, il faut d’abord l’étudier et l’aborder publiquement. 

Et si c’était génétique ? 

D’autre part, il est essentiel de reconnaître que les enfants ne sont pas prédisposés biologiquement à adopter de tels biais (N. G. Xiao et al., 2018).  Puisque ceux-ci sont appris, il est possible d’intervenir. 

Ce que les récentes recherches démontrent… 

Au courant des dernières années, les recherches ont permis d’approfondir les connaissances sur les biais raciaux chez les enfants en bas âge, nous permettant aujourd’hui de mieux comprendre la problématique. Les études démontrent que, en général, les attributs positifs sont associés aux individus de même ethnie et les attributs négatifs à ceux d’une autre ethnie (Qian et al., 2016). Par exemple, l’étude de N.G. Xiao et al. (2018) a démontré que les enfants associent les visages d’individus de leur ethnie à de la musique joyeuse et les visages de personnes d’autres ethnies à de la musique triste . Certaines recherches soutiennent donc que les jeunes enfants sont influencés par plusieurs biais implicites. De plus,  dès l’âge de trois ans, les enfants ont des préjugés considérés comme stables et résistants jusqu’à l’âge adulte (W. S. Xiao et al., 2015).  

Savais-tu que…  

Selon la couleur de ta peau, la douleur que tu ressens pourrait être perçue différemment par autrui ? En effet, une étude a démontré qu’il existe un biais racial significatif chez les enfants de 10 ans dans la perception de la douleur (Dore et al., 2014). Les chercheuses ont découvert que, dans un échantillon majoritairement constitué de personnes blanchesles enfants évaluent la douleur des personnes noires comme étant inférieure à celle des personnes blanches, et ce, suite à une même source de douleur (Dore et al., 2014). 

Des biais raciaux déjà enracinés chez de jeunes enfants : comment est-ce possible? 

À ce jour, nous ne connaissons pas toutes les causes qui expliquent que des biais soient aussi robustes dès un jeune âge. Une des hypothèses à prendre en considération est celle de la familiarité (N. G. Xiao et al., 2018; W. S. Xiao et al., 2015). Dans plusieurs sphères de nos vies, on préfère ce que l’on connait; ce qui nous est familier est moins intimidant et peut même nous rassurer. Il est donc plausible que les éléments positifs soient associés avec ce qui nous est familier, tels que notre propre ethnie. En effet, déjà à l’âge de neuf mois, les bébés reconnaissent mieux un visage de leur propre ethnie (N. G. Xiao et al., 2018). Heureusement, les chercheuses et chercheurs qui se sont penchés sur ce sujet indiquent que les biais raciaux sont diminués avec la mise en place d’intervention chez les jeunes enfants (W. S. Xiao et al., 2015). Par exemple, grâce à des formations qui nécessitent de reconnaître des visages non familiers de personnes d’autres races, il a été possible de réduire les biais implicites présents chez les personnes ayant suivi ces formations (W. S. Xiao et al., 2015). Il est donc très profitable de faire de la prévention en exposant les jeunes enfants à des visages de diverses ethnies. Cependant, il demeure nécessaire de mener  d’autres études afin de mieux comprendre le concept de familiarité et son rôle potentiel dans le développement de biais raciaux. Cela dit, nous pouvons déjà agir en assurant une plus grande représentation de la diversité dans nos vies et celles de nos enfants; que ce soit à la télé, nos équipes de travail, ou même dans nos lectures ! 

Ce qui est à retenir 

Si vous vous disiez : « mais moi, mon enfant, il s’en fout de la race », j’aimerais vous rappeler que les biais sont souvent implicites, insidieux et, surtout, très présents dans notre société. En considérant toutes les conséquences négatives qu’apportent les biais raciaux, il est indispensable de faire de la prévention. N’oubliez pas qu’en étant conscient, vous pouvez agir! 


Étudiante en psychologie depuis 2018, Sabrina Pagé est passionnée par tout ce qui touche l’humain. Elle adore apprendre, lire, partager ses idées, écouter et aider les autres. Ses intérêts sont plus précisément liés à la neuropsychologie; la relation entre le cerveau et le comportement humain la fascine.


Références 

Dore, R. A., Hoffman, K. M., Lillard, A. S., & Trawalter, S. (2014). Children’s racial bias in perceptions of others’ pain. BRITISH JOURNAL OF DEVELOPMENTAL PSYCHOLOGY, 32(2), 218-231.  

Qian, M. K., Heyman, G. D., Quinn, P. C., Messi, F. A., Fu, G., & Lee, K. (2016). Implicit Racial Biases in Preschool Children and Adults From Asia and Africa. Child development, 87(1), 285-296. doi:10.1111/cdev.12442 

Xiao, N. G., Quinn, P. C., Liu, S., Ge, L., Pascalis, O., & Lee, K. (2018). Older but not younger infants associate own-race faces with happy music and other-race faces with sad music. Developmental science, 21(2). doi:10.1111/desc.12537 

Xiao, W. S., Fu, G., Quinn, P. C., Qin, J., Tanaka, J. W., Pascalis, O., & Lee, K. (2015). Individuation training with other-race faces reduces preschoolers’ implicit racial bias: a link between perceptual and social representation of faces in children. Developmental science, 18(4), 655-663. doi:10.1111/desc.12241 

Corrigé par Camille Lavoie, Chloé Simard et Fannie Locat 

Révisé par Nessa Ghassemi-Bakhtiari et Sarah Trujillo

Photo par Glodi MiessiHire (@glodimiessi)