La vision du diagnostic en psychothérapie humaniste : un concept semblant douteux

Lettre d’opinion

par Jose Franklin Castillo-Calazana

Bien qu’il soit parfois inévitable, les psychothérapeutes existentiels tentent de s’éloigner de la notion du diagnostic tel que le conçoit, par exemple, le DSM 51. Dans les psychothérapies existentielles, la vérité subjective du/de la client.e est favorisée2. Cela étant dit, cette idéologie s’étend selon moi à l’ensemble de la psychologie humaniste.

Malgré plusieurs efforts afin de rectifier la situation, le DSM-5 peut parfois échouer dans la conceptualisation et la catégorisation des troubles. Cependant, je doute que la psychologie humaniste refuse toute légitimité au DSM-5.  Bien que la subjectivité du/de la client.e soit privilégiée, les nombreuses informations qu’offre le DSM-5 ne peuvent être complètement ignorées ou discréditées. Il me semble que la plupart des psychothérapeutes humanistes ne cherchent pas à les nier, mais plutôt à éviter de les utiliser à tort ou excessivement. Suivre avec rigueur le DSM-5 viendrait nuire à l’aspect subjectif de la psychothérapie humaniste et reviendrait à comparer l’expérience subjective du/de la  client.e à une liste de symptômes objectifs dans un effort de diagnostiquer un trouble. Classer l’expérience du/de la client.e y enlèverait aussi son caractère unique. Vu la complexité de l’être humain, je n’ai aucun doute qu’il soit rare que l’expérience propre à une personne corresponde parfaitement à un diagnostic du DSM-5.  En effet, il pourrait y avoir, à tort, des efforts de la part du/de la psychothérapeute visant à classer l’expérience du/de la  client.e bien que celle-ci ne puisse être classée. 

D’un point de vue humaniste, l’« énergie » devrait plutôt être mise sur la description de l’expérience vécue. La phénoménologie exerce d’ailleurs une forte influence sur les psychothérapies humanistes. Ce principe vise la descriptions des phénomènes ou des expériences vécues tels qu’ils apparaissent, sans les restreindre par de possibles hypothèses ou théories3. Or, avoir recours à des listes interminables de diagnostics et de leurs symptômes confronte ce principe. Ensuite, la psychologie humaniste mise fortement sur la relation thérapeutique pour le bien de la psychothérapie. Le but est de permettre au/à la client.e de discuter de sa vie et de se questionner sur celle-ci ouvertement. Pour ce faire, le/la psychothérapeute et le/la client.e doivent maintenir une relation proche et de confiance où le/la psychothérapeute est vu comme un.e accompagnateur.trice du/de la client.e, et non comme une figure d’autorité, ce qui requiert une certaine ouverture de sa part4. Selon moi, ce genre de relation est difficilement atteignable si nous prenons en compte le fait que nous recevons généralement nos diagnostics de professionnels de la santé qui, majoritairement, représentent des figures d’autorité, tel qu’un médecin.

La psychologie humaniste a-t-elle raison dans sa vision du diagnostic ?

Le fait de s’éloigner de la notion de diagnostic, ou du moins, ne pas directement y avoir recours, peut avoir de grands avantages. Il m’est inconcevable qu’une psychothérapie soit efficace si le/la psychothérapeute ne cherche pas à écarter ses idées préconçues. L’expérience d’un/une client.e est toujours complexe et requiert un regard nouveau, ce qui semble parfois demander de s’éloigner des diagnostics. Ensuite, je trouve important de mentionner le faux diagnostic, puisque celui-ci peut avoir de grandes conséquences pour le/la cliente. Il va de soi qu’avoir fréquemment recours aux diagnostics peut augmenter les chances de poser un faux diagnostic, d’autant plus si le/la psychothérapeute ne se soustrait pas de ses idées préconçues. S’éloigner de la notion du diagnostic n’écarte pas la possibilité d’un faux diagnostic, mais la diminue, surtout si les idéologies de la psychologie humaniste telles que la phénoménologie s’intègrent à la psychothérapie. Par exemple, le/la psychothérapeute pourrait ne pas utiliser une psychothérapie ou des techniques adéquates pour le/la client.e, rendant celles-ci inefficaces, voire nocives. Il y a également des effets néfastes sur le plan social, notamment si le/la client.e internalise son diagnostic. En effet, les troubles en santé mentale ne sont pas toujours bien compris et sont même parfois moqués, ce qui peut créer une détresse émotionnelle chez le/la client.e. 

En revanche, je pense que le diagnostic offre également plusieurs avantages. Par exemple, il n’est pas rare qu’une personne soit suivie par plusieurs aidant.e.s, tels qu’un.e médecin, un.e psychiatre, un.e travailleur.euse social, un.e intervenant.e psychosocial, etc. Selon moi, l’un des plus gros désavantages est qu’il devient difficile, sans diagnostics, pour ceux-ci d’avoir une base commune facilitant la communication et leur permettant de travailler efficacement pour le bien du/de la client.e. Le diagnostic offre d’emblée aux aidant.e.s une base de connaissances sur la condition du/de la client.e. La notion du diagnostic en psychologie humaniste n’est en aucun cas « noir ou blanc » et il est intéressant de s’y pencher connaissant la dichotomie apparente entre ses valeurs et le diagnostic. Je serais intéressé d’en apprendre davantage sur les circonstances dans lesquelles la psychologie humaniste valide la nécessité du diagnostic.

Références

(1)  Langdridge, D. (2013). Existential counselling and psychotherapy. SAGE. https://sk-sagepub-com.proxy.bibliotheques.uqam.ca/books/existential-counselling-and-psychotherapy

(2)  Iacovou, S. et Weixel-Dixon, K. (2015). Existential therapy : 100 key points and techniques (1e éd.). Routledge. https://doi-org.proxy.bibliotheques.uqam.ca/10.4324/9781315709260

(3) Santarpia, A. (2016). Introduction aux psychothérapies humanistes. Dunod. https://www-cairn-info.proxy.bibliotheques.uqam.ca/introduction-aux-psychotherapies-humanistes–9782100742295.htm

(4) Van Deurzen, E. et Arnold-Baker, C. (2018). Existential therapy : distinctive features (1e éd.). Routledge. https://doi-org.proxy.bibliotheques.uqam.ca/10.4324/9781315461939


Corrigé par Megan Racine et Rosalie Villeneuve

Révisé par Ariane Chouinard et Florence Grenier

Illustration originale par Laurie-Anne Vidori