Par Laurence Trudeau
Partie 1 : préparation et immersion
Quand on me parlait d’un échange étudiant, on me vendait le rêve. Conjuguer étude et voyage dans un univers culturel stimulant complètement différent, ça semble attirant, non ? Mais si on m’avait dit que la réalité serait tout autre, aurais-je fait les mêmes choix ? Quand tes croyances sont confrontées à la réalité ça peut être assez challengeant, mais est-ce que ça en vaut le coup ?
Il est important de mentionner que chaque étudiant.e vivra des expériences complètement différentes avec une subjectivité qui lui est propre. Par ce texte, je vous transmets mon expérience personnelle et je vous partage mes émotions et sentiments partagés avec la communauté étudiante québécoise lors de mon échange à l’Université de Strasbourg en France. De plus, je ne cherche pas à vous décourager, mais bien à vous éclairer sur l’envers de la médaille afin que vous partiez dans un nouveau pays avec une idée plus juste de ce qui peut vous attendre.
Avant mon départ
Depuis mon entrée à l’université, je rêvais d’avoir l’opportunité de jumeler la poursuite de mes études et ma passion pour le voyage. Ce programme d’échange étudiant semblait combler parfaitement ce besoin. J’ai alors pris la décision d’entreprendre un échange dans le but d’enrichir mon parcours universitaire et de repousser mes limites. Au niveau académique, une expérience à l’étranger me permettrait de confronter mes connaissances actuelles à celles d’une autre culture et, ainsi, de les parfaire dans le but de devenir une psychologue avec une plus grande ouverture et flexibilité face aux diverses approches théoriques et cliniques centrées sur l’être humain. Ayant une grande curiosité et soif d’apprendre, j’étais prête à relever de nouveaux défis et à sortir de ma zone de confort tant du côté académique que personnel.
Selon moi, voyager nous permet de faire les apprentissages les plus enrichissants sur nous-mêmes et sur nos capacités. En étudiant en France, j’aurais la formidable occasion de m’imprégner d’une nouvelle culture, d’un nouveau mode de vie et de pensée. M’intégrer au sein d’un nouveau pays pouvait véritablement me permettre de faire face à une tout autre réalité et à m’ouvrir sur le monde et sur les autres. Ainsi, j’allais pouvoir développer mon adaptabilité et mon autonomie par mon interaction avec mon nouvel environnement et la rencontre de nouvelles personnes.
Était-ce une vision utopique ? Et bien, voyons voir comment cette idée préconçue a évolué …
L’arrivée
Dès mon arrivée au pays, j’ai fait face à de nouveaux défis : première fois que je quittais le nid familial pour déménager dans une ville et un logement inconnu avec aucune personne physiquement présente dans mon entourage pour me soutenir émotionnellement. Dans les premières semaines, j’étais constamment stimulée par toutes ces nouveautés. Rapidement, j’ai dû faire des apprentissages pour m’adapter à mon nouvel environnement. Pour ma part, la familiarité et la routine de ma vie quotidienne au Québec me donnaient justement la motivation nécessaire afin de m’engager dans une nouvelle expérience qui allait pouvoir me permettre de me sortir de ce moule, de m’éveiller, m’enrichir autrement. Notamment, la nouveauté face à la découverte d’un nouvel environnement m’a offert une alternative à cette monotonie du cycle étude-boulot-dodo. En étant exposée à des idées, activités ou environnements différents, une personne peut élargir ses horizons, acquérir de nouvelles compétences et développer sa perspective sur sa vision d’elle-même, des autres et du monde (ESG-UQAM, n.d. ; Grace Chien, 2020).
C’était la première fois que je me retrouvais face à moi-même et cela m’a permis de prendre conscience des mes habitudes et traits de personnalité, ainsi que de les confronter à une nouvelle réalité. Par le fait même, dans les premières semaines, j’ai été amenée à sortir de ma zone de confort et à repousser mes limites. Je trouve que c’est de loin la meilleure façon de grandir en tant que personne.
Les choses se sont un peu corsées au moment où j’ai pris conscience du fonctionnement et de la réalité de mon pays d’accueil. Pour toute immersion dans un pays étranger, un individu sera confronté à toutes sortes d’adaptations (Grace Chien, 2020). Pour ma part, la plus difficile à surmonter émotionnellement a été celle au niveau scolaire. À noter que mon expérience académique se base sur mes études en France, spécifiquement à Strasbourg, et qu’elle peut ne pas être similaire à celle vécue dans d’autres pays.
Pendant
C’est quand tu mets les pieds dans le système scolaire français que tu peux comprendre pourquoi certaines personnes françaises ont fait le choix de mettre de côté leur pays natal pour venir poursuivre leurs études au Québec. Ayant fait l’entièreté de mes études au Québec, je pense que l’effet d’habituation commençait sincèrement à me jouer des tours et à me biaiser l’esprit en trouvant chaque petit défaut et défaillance du système d’éducation québécois. Cependant, plonger dans le système d’éducation français m’a permis de reconnaître des aspects positifs de notre propre système d’éducation, même s’il n’est évidemment pas parfait (il y a toujours place à l’amélioration, bien évidemment !) Au sein du système scolaire français, j’avais l’impression de faire un bond en arrière et je crois que c’est justement ce que j’ai trouvé le plus confrontant.
De manière subjective, le système scolaire au Québec favorise l’autonomie: tu es libre de te présenter aux cours ou non et tu es encouragé.e à faire une partie du travail par toi-même dans tes temps libres. Le nombre d’heures d’étude quotidien nous permet plus facilement de conjuguer travail, études et loisirs et ne pas centrer uniquement notre temps, notre énergie et nos efforts sur nos études. L’organisation et la planification pour chacun des cours en début de session te permettent notamment d’avoir une idée de ce qui est attendu de toi et de la préparation que tu auras à effectuer. Cela est relatif à chacun, mais j’ai sincèrement trouvé que le corps professoral à l’UQAM avait à cœur notre réussite, avait une ouverture d’esprit et offrait un plus grand soutien aux étudiant.es.
Parallèlement, en France, j’ai eu l’impression qu’on faisait face à une vision plus ancienne quant à la formation et à la réussite des étudiant.es où les méthodes d’enseignement semblent avoir figé dans le temps. En effet, la mentalité est plutôt rigide dans cette culture et les professeur.es semblent reproduire la façon dont iels ont été éduqué.es alors qu’il y a des pratiques d’éducation bien plus bienveillantes et tout autant efficaces. Ainsi, j’étais confrontée à des figures d’autorité avec peu d’ouverture d’esprit et offrant un moindre soutien. Les échanges parfois houleux entre les professeur.es et les étudiant.es m’amenaient à penser qu’iels nous considéraient inférieur.es et incompétent.es. De ce fait, je me retrouvais dans un climat d’apprentissage conditionné par la peur et l’anxiété où prône la vision d’excellence. Notamment, les évaluations renforçaient cette vision : notation négative en cas d’erreurs, impossibilité de retourner aux questions antérieures pour les examens à distance, moyenne de classe sous 50%, temps d’examen qui ne permet pas la réflexion et un seul examen qui vaut pour 100% de la session. La prise en compte de ces modalités a directement eu un effet sur ma motivation scolaire, spécifiquement en lien avec un manque de sentiment de compétence, d’appartenance et d’autonomie (Ryan & Deci, 2010).
Étant confrontée à une réalité totalement différente, j’avais tendance à comparer les deux systèmes d’éducation et de réévaluer mes compétences à la baisse, ce qui faisait que j’éprouvais un manque de confiance en moi et un sentiment de ne pas être à la hauteur. Mon niveau de stress a augmenté d’un cran dès le moment où j’ai compris que même si je fournissais un maximum d’effort, je ne recevrais pas les résultats souhaités de ce travail acharné. Je n’aurais jamais cru craindre d’échouer un cours à l’université et mon stress était d’autant plus amplifié par le fait d’avoir à recommencer certains cours au Québec. Sans compter que mes pensées étaient également préoccupées par le risque de perdre une partie de ma bourse alors qu’il est très difficile de comparer les deux systèmes et que je fournissais autant d’efforts à l’école.
J’avouerais que, pour quelques mois, j’avais un petit nuage gris au-dessus de ma tête qui me suivait constamment. De par ma nature indépendante et mon adaptabilité, je ne croyais jamais dire un jour « j’ai hâte de rentrer au Québec ». De plus, il était difficile de savoir à qui en parler, puisque j’avais l’impression que ma famille et mes ami.es au Québec ne comprenaient pas mon expérience subjective négative, mes sentiments et mes émotions désagréables. Parce que j’étais en échange étudiant et que j’avais la possibilité de voyager, les gens pensaient automatiquement que je vivais la belle vie, que j’étais heureuse et que je n’avais pas de raison d’être malheureuse ou d’éprouver des émotions négatives. De par ce que je projetais sur les réseaux sociaux, le réflexe était de penser que je ne mettais aucun effort à l’école, d’où mes faibles résultats scolaires.
Avant mon départ pour la France, mes attentes étaient teintées d’anticipation et de rêverie, nourries par des idées préconçues et des espoirs. Cependant, la réalité s’est révélée être une aventure bien plus corsée et riche en nuances. Avec du recul, ces moments de confrontation ont été enrichissants dans la mesure où j’ai pu élargir ma compréhension des diversités culturelles et des subtilités de la vie quotidienne en terre étrangère. Cette expérience m’a offert une leçon précieuse, notamment la flexibilité et l’ouverture d’esprit face à l’inconnu. Ainsi, mon échange étudiant a éveillé ma soif de découverte du monde et m’a permis de croître au niveau personnel à chaque défi rencontré.
Références
Grace Chien, Y. (2020). Studying Abroad in Britain: Advantages and Disadvantages. Journal of Research in International Education, 19(1), 69-83. https://doi.org/10.1177/1475240920916944
Michaud, V. (2012). Choc du retour : Le sentiment de perte et l’intégration des valeurs au retour d’un séjour prolongé à l’étranger. Journal sur l’identité, les relations interpersonnelles et les relations intergroupes, 5. https://www.jiriri.ca/wp-content/uploads/2021/03/V5_A8.pdf
Pourquoi partir à l’étranger—École des sciences de la gestion—ESG UQAM. (s. d.). École des sciences de la gestion. Consulté 8 mars 2024, à l’adresse https://esg.uqam.ca/international/pourquoi-partir-a-letranger/
Ryan, R. M., & Deci, E. L. (2020). Intrinsic and extrinsic motivation from a self-determination theory perspective : Definitions, theory, practices, and future directions. Contemporary Educational Psychology, 61, 101860. https://doi.org/10.1016/j.cedpsych.2020.101860Séjour à l’étranger : Le choc du retour. (s. d.). Centre d’aide aux étudiants. Consulté 8 mars 2024, à l’adresse https://www.aide.ulaval.ca/psychologie/textes-et-outils/developpement-personnel/sejour-a-l-etranger-le-choc-du-retour/
Corrigé par Anne Martel, Émilie Pauzé et Charlene Allaire
Révisé par Ariane Chouinard
Illustration originale par Fanny Chenail
