Par Anne Prégent
Lorsque nous pensons à un contexte d’intervention en santé mentale, l’idée d’une psychothérapie clinique en tête-en-tête nous vient plus souvent qu’autrement à l’esprit. Un.e patient.e qui se confie à sa ou son thérapeute, deux fauteuils qui se font face, un cadre et une alliance thérapeutique qui se construisent entre les quatre murs d’un bureau. Pourtant, il existe d’autres formes d’intervention qui sortent de ce cadre. C’est le cas des pratiques centrées sur la nature et l’aventure (PCNA), desquelles est issue la thérapie par l’aventure. C’est depuis une vingtaine d’années que ces dernières font de plus en plus l’objet de projets de recherches et prennent davantage leur place dans des domaines de la santé et de la relation d’aide tels que la médecine, la psychologie ou le travail social1.
L’essence de ces pratiques
Les pratiques centrées sur la nature et l’aventure peuvent engendrer des préjugés. En effet, l’usage d’activités en plein air dans des contextes thérapeutiques peut sembler évoquer un manque de rigueur scientifique2. Pourtant, ces pratiques sont mises sur pied et sont encadrées par des professionnels de la santé3. Concrètement, les PCNA englobent :
« Toute pratique, personnelle, individuelle ou en groupe, recommandée ou planifiée et menée par des professionnels de la santé psychosociale ou physique, ayant pour but de favoriser les effets reconnus aux expériences de nature, d’aventure ou par leur combinaison. Elles concernent les effets s’opérant sur la santé globale en tenant compte de ses sous-dimensions, soit les sphères émotive, physique, psychologique, sociale et spirituelle de l’individu »4.
Parmi ces pratiques se trouve la thérapie par l’aventure. Elle « désigne diverses approches et programmes utilisant la nature et l’aventure pour amener un changement thérapeutique chez un individu »5.
Bienfaits psychologiques de l’aventure
Plusieurs effets positifs découlent des expériences en contexte d’aventure. Tout d’abord, la perception du risque associé aux activités proposées (canot, randonnée, expédition, surf, etc.) combinée avec un sentiment de compétence modulé selon les habiletés psychologiques et physiques des participant.es6 peuvent créer une sorte de dissonance cognitive chez celleux-ci. La dissonance cognitive s’explique par le fait que le contexte d’aventure déloge l’individu de l’environnement dans lequel il est habitué d’être. En d’autres mots, on le sort de sa zone de confort. Ensuite, au niveau du développement personnel, le fait de prendre part à l’aventure et aux tâches qui en découlent (préparer les repas en expédition, par exemple) permet aux participant.es de ressentir un sentiment d’auto-efficacité et de développer une meilleure connaissance et conscience de soi7. Finalement, l’expérience de groupe crée un sentiment d’appartenance qui tend à renforcer le développement interpersonnel, qui entre en complémentarité avec le développement personnel8.
Bienfaits psychologiques de la nature
Au contact de la nature, l’activité du système nerveux sympathique diminue et du fait même, le stress vécu est réduit. Ce processus physiologique permet une diminution des facteurs de risque au niveau psychologique. La réduction de l’anxiété serait le bienfait psychologique le mieux établi dans la littérature scientifique10. Sinon, ses effets présumés sont la sensation réparatrice, la diminution de la dépression et des émotions négatives, l’amélioration de l’humeur, l’augmentation de la vitalité, la diminution de la fatigue, la réduction de l’anxiété, l’augmentation de l’estime de soi11.
Un exemple de projet : La thèse doctorale de Camille Girard, PhD
La thèse doctorale de Camille Girard, docteure en psychologie, s’inscrit dans un contexte de thérapie par l’aventure. Dans le cadre de ce projet de recherche, la psychologue a mis sur pied une thérapie par l’aventure sous forme d’expédition de quatre jours auprès de jeunes adultes psychotiques. Les participant.es ont pris part à des activités de plein air comme de la randonnée, du canot et de la tyrolienne. Suite à l’intervention menée dans le cadre de ce projet, des participant.es ont, entre autres, dit avoir ressenti un sentiment de bien-être, une meilleure connexion avec eux-mêmes et une diminution de leur stress grâce à l’environnement naturel dans lequel iels se trouvaient12. Une entrevue avec la psychologue a fait l’objet d’un article antérieur du Psy-Curieux. Voici le lien vers celui-ci, en complément à ce paragraphe : https://psycurieux.ca/2022/02/01/la-therapie-par-laventure-aupres-des-jeunes-adultes-psychotiques/.
Des perspectives professionnelles aux couleurs de l’intervention plein air
Différents programmes ont été mis sur pied afin de former des intervenant.es spécialisé.es dans les pratiques en contexte de nature et d’aventure. Le programme le plus long est, sans contredit, le baccalauréat en intervention plein air de l’Université du Québec à Chicoutimi . L’un des domaines d’intervention ciblé est l’intervention éducative et thérapeutique par la nature et l’aventure.
Parmi ces programmes se trouvent aussi :
- Un programme court de deuxième cycle en intervention en contexte de plein air offert par l’Université du Québec à Montréal ;
- Un programme court de deuxième cycle en intervention psychosociale dans un contexte d’aventure offert par l’Université du Québec à Trois-Rivières ;
- Une école d’été sur l’intervention en contexte de nature et d’aventure qui a été mise sur pied par l’Université Laval .
Pour les étudiant.es inscrit.es au baccalauréat en psychologie, il est possible d’appliquer à ces différents programmes pour ajouter une corde à son arc de futur.e intervenant.e.
Pour conclure
Il va sans dire que les pratiques centrées sur la nature et l’aventure font partie d’une branche de l’intervention psychosociale fascinante qui mérite d’être davantage mise de l’avant. Il y en aurait tellement plus à dire sur ces pratiques. En espérant avoir su éveiller votre curiosité et qui sait, votre intérêt à intégrer la nature et l’aventure à votre parcours scolaire et/ou professionnel !
Références
(1) Hartig, T., Mitchell, R., de Vries, S. et Frumkin, H. (2014). Annual Review of Public Health. Nature and Health, 35, 207-208, https://doi.org/10.1146/annurev-publhealth-032013-182443
(1) Gargano, V. (2022). Les pratiques centrées sur la nature et l’aventure et le travail social : perspectives disciplinaires et théoriques. Intervention, 155, 151-165. https://doi.org/10.7202/1089312ar
(2) Moreau, N., Gargano, V., Bergeron-Leclerc, C., (2023). Présentation. Intervention, 157, 1-5, https://revueintervention.org/wp-content/uploads/2023/07/01_ri_157_2023.2_presentation.pdf
(3) Gargano, V. Pellerin, J., (2023). La nature en soutien au rétablissement : Retombées et constats d’une intervention de groupe en contexte de nature auprès de jeunes adultes ayant vécu un premier épisode psychotique. Intervention, 157, 101-117. https://id.erudit.org/iderudit/1105594ar
(4) Gargano, V. (2022). Les pratiques centrées sur la nature et l’aventure et le travail social : perspectives disciplinaires et théoriques. Intervention, 155, 151-165. https://doi.org/10.7202/1089312ar
(5) Ritchie, S. D., Patrick, K., Corbould, G. M., Harper, N. J. et Oddson, B. E. (2016). An environmental scan of Adventure Therapy in Canada. Journal of Experiential Education, 39(3), 303-320. https://doi.org/10.1177/1053825916655443
(6) Gargano, V. (2022). Les pratiques centrées sur la nature et l’aventure et le travail social : perspectives disciplinaires et théoriques. Intervention, 155, 151-165. https://doi.org/10.7202/1089312ar
(7) Ibid.
(8) Ibid.
(9) Cosquer, A., (2022). Pourquoi la nature nous fait-elle du bien ? Rizhome, 82, 13-14. https://www.cairn.info/revue-rhizome-2022-1-page-13.htm
(10) Sandifer, P., al., (2015). Ecosystem Services, Exploring connections among nature, biodiversity, ecosystem services, and human health and well-being: Opportunities to enhance health and biodiversity conservation, ScienceDirect 12, 1-15, https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S2212041614001648
(11) Ibid.
(12) Girard, C., (2022). Hors des sentiers battus : La thérapie par l’aventure auprès de jeunes adultes psychotiques. Thèse doctorale. https://archipel.uqam.ca/16217/1/D4262.pdf
Corrigé par Anne-Marie Parenteau, Megan Racine et Ariane Pomerleau
Révisé par Florence Grenier
Illustration originale par Laurie-Anne Vidori
