Par Kristian Ghazaryan
C’est mardi soir. Je suis assis au Centre Bell, anxieux d’assister à la performance des Canadiens de Montréal contre les Krakens de Seattle. Dès la première minute de jeu, notre gardien de but est incapable d’arrêter la rondelle. Le pointage est de 1-0 en faveur des Krakens. Deux minutes plus tard, on en est à 2-0. La pression monte. À la fin de la première période, les Canadiens doivent rattraper un déficit de 3 buts. Je n’en crois pas mes yeux. Après tout, ces professionnels jouent dans la ligue nationale de hockey connue comme étant la scène internationale du plus haut niveau de ce sport. Plus le temps avance, plus l’écart s’accentue. La partie s’achève avec un score final de 8-2 en faveur des Krakens. Je quitte l’aréna à la fois furieux, ébahi et déçu. C’est une véritable catastrophe. Pourquoi jouent-ils d’une si piètre façon? Qu’adviendra-t-il des recrues qui semblent pourtant prometteuses? Devrais-je célébrer l’arrivée de la Coupe Stanley à Montréal à l’âge de 87 ans? Avec un peu de recherche, j’ai trouvé plusieurs réponses au sein de la psychologie du sport. De nombreux facteurs peuvent jouer sur la performance des athlètes professionnels, tels que la source de motivation, l’anxiété sportive et la performance par rapport à l’activation physique.
Le milieu du sport professionnel peut être très exigeant. La plupart des entraîneurs s’attendent à ce que la simple participation à une compétition de haut niveau suffise à motiver leurs joueurs à bien performer. Cependant, ce n’est pas si simple. La compétition peut représenter une source de motivation extrinsèque, c’est-à-dire une motivation qui provient d’une source extérieure à l’individu, telle qu’une distinction sous forme de médaille ou encore un meilleur salaire. Dans le même ordre d’idées, de nombreux clubs sportifs croient qu’une rémunération sous forme de prime de contrat peut motiver ses joueurs à mieux performer. Bien que cela soit vrai dans une certaine mesure, on risquerait ainsi de créer une nouvelle source de motivation extrinsèque auprès de l’athlète. La motivation extrinsèque est considérée comme étant moins fiable et déterminante, tandis que la motivation intrinsèque (provenant de l’individu lui-même) est plus puissante et enrichissante, car elle peut aider le joueur à prendre plaisir à ce qu’il fait, lui permettant d’atteindre un plus haut niveau de performance et de satisfaction. Une étude menée par Fortier, Vallerand et Guay montre que, même si la motivation peut favoriser la performance, les sentiments de compétence et d’autonomie ont des effets bien plus importants sur le joueur¹. Ainsi, la satisfaction de ces deux besoins fondamentaux par l’intermédiaire de l’entourage permettrait aux athlètes de briller à leur plein potentiel.
Lors de ces compétitions, les athlètes professionnels vont sans doute ressentir de l’anxiété compétitive. Comment est-ce que cette composante va venir influencer leur performance? Selon la théorie de l’anxiété compétitive de Martens, Vealey et Burton¹, l’anxiété agit sur la performance selon le schéma suivant.
La perception de la menace dépend de deux facteurs : la perception de l’incertitude du résultat et la perception de l’importance du résultat. D’une part, la perception de l’incertitude est liée aux chances que se donne l’athlète de réussir (mesure subjective). Cette probabilité va dépendre de la relation entre les habiletés physiques que la personne estime posséder et la difficulté de la tâche à effectuer. D’autre part, la perception de l’importance du résultat renvoie au contexte de l’événement et de l’utilité qu’elle représente¹. Par exemple, un entraînement hebdomadaire n’aura pas la même importance comparée à une compétition régionale. Ces deux facteurs vont agir sur la perception d’une personne face à la menace, déterminant ainsi son niveau d’anxiété. Prenons le cas fictif de Michel. Michel participe à une compétition universitaire de natation (perception de l’importance élevée). Il est confiant en ses capacités, car il s’entraîne depuis des mois en vue de l’événement (perception de l’incertitude du résultat). Malgré la situation anxiogène de la compétition, Michel se sent à la hauteur du défi qu’il devra surmonter.
Les athlètes professionnels ont pour objectif de maximiser leur performance. Deux grandes théories permettent d’illustrer la courbe de leur activation physique par rapport à leur performance. Le premier modèle est celui de Spence et Spence¹. Selon la théorie de la pulsion, plus un athlète est activé, plus il est performant. L’activation représente «un état général d’éveil physiologique et psychologique de l’organisme qui varie sur un continuum allant d’un sommeil profond à une intense agitation¹.»
Ce modèle a été critiqué depuis, car certains chercheurs trouvent qu’il ne prend pas en compte des facteurs sous-jacents, tels que la coordination fixe, l’analyse et la prise de décision. Le deuxième modèle se rattache à Yerkes et Dodson, qui proposent une courbe en U inversée comme alternative aux chercheurs précédents.
Ainsi, l’activation physique augmente la performance jusqu’à un certain point. Lorsqu’elle dépasse ce niveau fixe, elle aura tendance à diminuer. La longueur du sommet de la courbe représente la zone d’activation optimale. Il s’agit du niveau qui permet la meilleure performance selon le niveau d’activation.
En sortant du Centre Bell, je ne savais plus quoi penser. Au fil des semaines, j’ai changé ma perception de cette défaite. Bien qu’elle soit décevante, elle représente une embûche parmi tant d’autres que les équipes sportives professionnelles doivent traverser. La victoire d’une équipe dépend de beaucoup de facteurs, comme le niveau d’activation physique, l’anxiété compétitive, ou la source de motivation. Le résultat d’une défaite n’est donc pas une condamnation. L’équipe peut toujours en tirer des leçons et faire face à l’adversité avec force et détermination. Pour ce qui est de mes attentes, je devrais les réajuster pour éviter la déception. L’équipe fait toujours de son mieux et il est de mon devoir en tant que partisan de les soutenir dans leurs moments les plus difficiles plutôt que de les rabaisser davantage. On fait tous partie de l’équipe.
Références
1 Paquet, Y. et Antonini Philippe, R. (2009). Psychologie du sport. Dunod.
Corrigé par Azélie Laflamme, François-Xavier Michaud et Florence Pilote
Révisé par Pénélope Caron
Illustration originale par Fanny Chenail
