Par Laurence Trudeau
Partie 2 : Choc du retour et apprentissages
J’ai l’impression qu’il y a une petite partie de moi qui est encore un peu là-bas et qui n’est jamais vraiment revenue. Quand j’y pense, c’est comme si c’était hier, mais maintenant deux mois se sont écoulés depuis mon retour sur ma terre natale. Cette idée du retour, qu’on tente de refouler aussi bien que possible, se fraie un chemin et réussit à parvenir à notre conscience avant même la fin de notre parcours à l’étranger. Ce concept, appréhendé avant même notre départ, désiré par notre déni, est bel et bien présent et nous pose des embûches quand vient le temps de clore le chapitre de notre immersion outre-mer.
Le choc du retour est une expérience commune qui nous amène à éprouver des difficultés à se réintégrer dans notre environnement d’origine, à retrouver une certaine normalité après avoir vécu une expérience significative à l’étranger. Le fait d’avoir vécu à l’étranger crée un sentiment de décalage entre la réalité de notre monde pré et post échange, et engendre son lot de défis et d’ajustements psychologiques, émotionnels et culturels. C’est notamment la période où nous devons réajuster nos repères, habitudes et attentes pour se réadapter à notre ancien contexte de vie (Michaud, 2012; Bernier, n.d.).
Du fait de ma confrontation avec la culture française, j’attendais impatiemment d’être réconfortée par les idéaux de la culture québécoise et comme de fait, j’ai eu le sentiment d’être chez moi en arrivant au Québec. Pourtant, j’ai également eu l’impression que tout, mais rien n’avait changé, comme si j’étais extérieur à cette réalité qui défilait devant mes yeux. Ayant quitté pour mon échange à l’automne et finissant ma session en janvier, je suis revenue en pleine effervescence avec la mise à niveau de ma session hivernale entamée, le retour au travail et dans mes divers engagements ainsi que les retrouvailles avec ma famille et mes ami.es. Avec la reprise de mon train de vie qui roule à mille à l’heure, je me suis sentie essoufflée, dépassée. Autant cela me maintenait occupée en m’empêchant d’être freinée par la nostalgie, autant j’avais l’impression de ne plus savoir où donner de la tête. En fait, j’éprouve encore de la difficulté à retrouver le fil de ma vie ici, une certaine stabilité. Par moments, l’anxiété me submerge, suscitant l’envie de tout abandonner, de m’éloigner de ce rythme de vie effréné.
Pour ce qui est de mon retour aux études, il y a quelque chose de soulageant et de confrontant en même temps. Considérant, mon expérience plus difficile avec le système d’éducation français, je me suis retrouvée à douter de moi-même et à avoir le sentiment de ne pas être à la hauteur. En surcroît, je m’attendais à ce que mes proches aient une grande curiosité et démontrent de l’intérêt envers mon expérience, mais je me suis souvent retrouvée avec le sentiment d’être incomprise. Par ailleurs, j’avais l’impression de poser un regard différent sur mes relations avec autrui et le monde, de vouloir apporter du changement et de l’équilibre dans ma vie.
Il est important de reconnaître les symptômes du choc du retour, tels que la nostalgie, la tristesse, la perte d’énergie et l’isolement afin de trouver des stratégies efficaces pour mieux composer avec ceux-ci (Bernier, n.d.). Avec le chevauchement de mes sessions, je n’ai pas eu la chance d’avoir une période d’adaptation à mon retour afin de faciliter la transition. Il est facile de penser que, parce que nous retournons dans notre pays d’origine, l’adaptation sera certainement plus facile. Toutefois, il ne faut pas oublier qu’en quittant notre pays, nous n’avons, en quelque sorte, pas eu le choix de changer. De ce fait, il faut réapprendre à habiter cette réalité qui était la nôtre auparavant. D’ailleurs, s’adapter est un processus qui ne se fait pas en un seul claquement de doigts. Il faut savoir faire preuve de patience et prendre le temps de se réajuster à notre environnement, tout en assurant une gestion de nos émotions désagréables en lien avec un passé qu’on ne pourra jamais revivre. À mon retour, j’étais constamment stimulée, je ne pouvais pas prendre plus de retard à l’école et je devais réintégrer mon milieu de travail. Je n’avais pas le choix de m’immerger de nouveau dans la routine de ma vie ici. Je préférais de loin concentrer mes pensées dans le moment présent que d’être amorphe et de me lamenter sur la vie épanouie et enrichissante que j’avais il y a quelques mois. Même si au début, le syndrome de l’imposteur n’était jamais bien loin quand je recommençais à faire des plans avec mes ami.es et à faire des activités, les choses se sont remises en place tranquillement et m’ont apporté le plus grand bien. Il est normal de ne pas se sentir compris.e, mais de reprendre contact ou de communiquer avec les personnes qui ont vécu la même expérience que vous peut venir combler ce sentiment. Par ailleurs, il m’est arrivé à plusieurs reprises que les gens se tournent vers moi pour avoir des conseils ou me questionnent sur mon expérience. J’étais heureuse de pouvoir servir de référence, de pouvoir aider les autres, tout en me remémorant les expériences positives que j’avais vécues.
Pour conclure mon partage de la réalité d’un échange étudiant : ce message s’adresse à ceux et celles qui souhaitent plonger dans cette nouvelle aventure ou même aux éternel.les indécis.es. Malgré les embûches et les obstacles que vous allez rencontrer, un échange étudiant est une opportunité unique pour croître au niveau personnel et je suis certaine que vous allez sortir grandi de cette expérience hors du commun. Vous aurez la chance de sortir de votre zone de confort, de reconnaître vos propres limites et vos forces insoupçonnées pour faire des apprentissages qui vous permettront d’embrasser le changement et de cultiver une nouvelle version de vous-même. C’est une expérience qui aura de l’impact sur votre ‘’ici-maintenant’’, qui vous guidera et vous suivra dans le futur et tout au long de votre vie. Et vous, oserez-vous faire le saut ?
Références
Grace Chien, Y. (2020). Studying Abroad in Britain: Advantages and Disadvantages. Journal of Research in International Education, 19(1), 69-83. https://doi.org/10.1177/1475240920916944
Michaud, V. (2012). Choc du retour : Le sentiment de perte et l’intégration des valeurs au retour d’un séjour prolongé à l’étranger. Journal sur l’identité, les relations interpersonnelles et les relations intergroupes, 5. https://www.jiriri.ca/wp-content/uploads/2021/03/V5_A8.pdf
Pourquoi partir à l’étranger—École des sciences de la gestion—ESG UQAM. (s. d.). École des sciences de la gestion. Consulté 8 mars 2024, à l’adresse https://esg.uqam.ca/international/pourquoi-partir-a-letranger/
Ryan, R. M., & Deci, E. L. (2020). Intrinsic and extrinsic motivation from a self-determination theory perspective : Definitions, theory, practices, and future directions. Contemporary Educational Psychology, 61, 101860. https://doi.org/10.1016/j.cedpsych.2020.101860Séjour à l’étranger : Le choc du retour. (s. d.). Centre d’aide aux étudiants. Consulté 8 mars 2024, à l’adresse https://www.aide.ulaval.ca/psychologie/textes-et-outils/developpement-personnel/sejour-a-l-etranger-le-choc-du-retour/
Corrigé par Anne Martel, Émilie Pauzé et Charlene Allaire
Révisé par Ariane Chouinard et Florence Grenier
Illustration originale par Fanny Chenail
