Par Lili Choquette-Vézina
Au Canada, en 2021, plus de 64 millions de prescriptions d’antidépresseurs ont été émises, et ce nombre est en hausse chaque année depuis 2019. Cela représente la catégorie de médicament la plus prescrite au pays1. Parmi ces traitements, les plus populaires sont les inhibiteurs sélectifs de recapture de sérotonine, ou ISRS. Ce type d’antidépresseur est d’ailleurs le plus populaire mondialement, étant donné son faible risque de surdose et ses effets secondaires moins inconvénients2. Cependant, même s’ils sont vendus comme faciles à vivre avec, ces symptômes restent bien présents. Les plus communs sont listés comme étant la nausée, la sécheresse buccale, les maux de tête, la fatigue et, d’où le titre de cet article, les problèmes sexuels.
Portrait de la problématique
Ces effets secondaires sexuels sont multiples et variés; déficiences érectiles et éjaculatoires, lubrification vaginale limitée ou inexistante, incapacité à ressentir du désir sexuel, incapacité à atteindre l’orgasme ou encore une baisse généralisée de la satisfaction sexuelle3. La raison derrière ces effets semble être liée à la hausse de production de sérotonine, qui affecterait par la suite d’autres hormones sexuelles telles que la testostérone. Il est également intéressant de noter qu’il peut être difficile d’obtenir le nombre exact de personnes qui vivent ces difficultés uniquement à cause de leur traitement aux ISRS, puisqu’une faible libido est également un symptôme de la dépression en soi, ce qui peut potentiellement venir brouiller les cartes.
Répercussions sur la vie de couple
Bref, ces dysfonctions sexuelles sont bien présentes, et il faut les prendre en compte lorsqu’on commence un traitement d’antidépresseurs, car la baisse de libido et de satisfaction sexuelle peut avoir plusieurs effets néfastes sur le couple. En effet, lorsqu’un partenaire dans le couple éprouve de la difficulté à ressentir du désir ou de la satisfaction sexuelle, le couple peut en prendre un coup. Celui ou celle qui vit ces difficultés peut souvent ressentir de la honte ou de la culpabilité face à sa libido problématique, et les mythes et questionnements entourant les problèmes sexuels peuvent créer chez lui/elle de la frustration et de l’incompréhension. De plus, son partenaire peut se sentir blessé.e. lorsque ses avances ne sont pas retournées, ou encore avoir l’impression que le problème vient de sa part, qu’il ou elle est la cause de la faible libido de l’autre. Bien sûr, les changements dans la vie sexuelle d’un couple peuvent être un sujet sensible au sein de celui-ci, et donc les partenaires ont parfois tendance à intérioriser le problème. Des rythmes sexuels malsains se développent aussi parfois, où un des partenaires se force à prendre part à des relations sexuelles ou encore où l’autre partenaire réprime lui-même ou elle-même sa propre libido. Un autre scénario qui arrive occasionnellement est celui où le membre du couple qui ne vit pas les problèmes sexuels tente de compenser pour la faible libido de sa moitié en poussant celle-ci à ‘’simplement passer par-dessus’’, ce qui peut mener à du ressentiment au sein de l’union4.
Des solutions variées
Cependant, il ne faut pas renoncer aux ISRS pour autant; des solutions existent pour surmonter ces difficultés et apprendre à vivre avec ces changements. Selon la docteur et thérapeute sexologue Katherine Hertlein, plusieurs options s’offrent aux couples aux prises avec des problèmes sexuels liés à la prise d’antidépresseurs. Par exemple, des alternatives pharmaceutiques s’offrent souvent aux patients concernés, en trait avec le dosage du médicament ou encore la prise temporaire de médicaments supplémentaires visant à restaurer la libido. Il est également possible de demander à son docteur de tout simplement changer d’antidépresseur si les effets deviennent trop difficiles à supporter; plusieurs optent alors pour le bupropion, connu pour ses effets secondaires sexuels presque inexistants. La sexologue et thérapeute insiste cependant sur le fait qu’il ne faut pas simplement arrêter sa médicamentation, même seulement quelques jours, car ceci ne ferait qu’augmenter la probabilité de la réapparition des symptômes dépressifs, ce qui n’aiderait pas non plus la vie sexuelle du couple. Bien sûr, il y a d’autres options que la médicamentation. Hertlein conseille notamment une communication plus ouverte et détaillée concernant par exemple les moments où les partenaires sont les plus susceptibles de ressentir de l’excitation, ou encore l’exploration des fantasmes et désirs qui peuvent aider au meilleur déroulement des rapports sexuels. Une thérapie de couple avec un sexologue ou un psychologue peut également aider, en plus d’une thérapie personnelle pour la personne qui subit ces effets secondaires afin de l’aider à apprendre à vivre avec ceux-ci. L’honnêteté, la douceur et l’ouverture restent cependant la clé dans ces situations, et la patience de la part de chacun des partenaires est le meilleur outil pour y faire face5.
Référence
(1) IQVIA Institute. (2022). Medication Treatments for Mental Health Disorders in Canada; An independent IQVIA report on drug utilization data, 2019-2021. https://www.iqvia.com/-/media/iqvia/pdfs/canada/white-paper/medication-treatments-for-mental-health-disorders-in-canada.pdf
(2) NHS U.K. (2021). Overview – Antidepressants. https://www.nhs.uk/mental-health/talking-therapies-medicine-treatments/medicines-and-psychiatry/antidepressants/overview/#:~:text=SSRIs%20are%20the%20most%20widely,they%20cause%20fewer%20side%20effects.
(3) Jing, E., & Straw-Wilson, K. (2016). Sexual dysfunction in selective serotonin reuptake inhibitors (SSRIs) and potential solutions: A narrative literature review. The mental health clinician, 6(4), 191–196. https://doi.org/10.9740/mhc.2016.07.191
(4) Laderer, A., Chapple, R. (20 novembre 2019). How to Deal With the Impacts of Low Sex Drive on a Relationship. Talkspace. https://www.talkspace.com/blog/low-sex-drive-libido-relationship/#:~:text=When%20one%20or%20both%20partners,the%20relationship%20as%20a%20whole.
(5) Hertlein, K. (26 mai 2021). Antidepressants and Sex Drive: A Guide on How to Manage. Blueheart. https://www.blueheart.io/post/antidepressants-and-sex-drive
Corrigé par Valérie Caron, Anne-Marie Parenteau et Ariane Pomerleau
Révisé par Florence Grenier
Illustration originale par Fanny Chenail
