Par Zeinab Makky
L’épuisement professionnel, aussi nommé « burnout », est devenu une question d’intérêt public qui bouleverse les employés de tous les secteurs. Selon Christina Maslach, professeure de psychologie et co-développeuse de l’inventaire du burnout de Maslach (2009), les coûts du burnout sont énormes, tant pour l’individu que pour l’organisation. Le burnout peut entraîner des problèmes de santé physique, de l’absentéisme et une baisse de la productivité. Cette détresse ne se limite pas seulement à l’épuisement physique, elle peut également provoquer un sévère déséquilibre émotionnel et mental résultant du stress chronique. La gravité de cette circonstance s’étend au-delà des travailleurs eux-mêmes, cela affecte également les organisations elles-mêmes. De nombreuses organisations ont créé des politiques et des programmes pour lutter contre l’épuisement professionnel, mais elles tendent à être développées par les dirigeants de ces organisations, et ce, sans tenir compte de l’avis des employés.
Il est crucial de reconnaître que les employés font face à certaines difficultés et tensions qui s’ajoutent à leur épuisement professionnel pour comprendre le point de vue des travailleurs. Certains des principaux facteurs aggravants sont l’insécurité de l’emploi, le manque d’autonomie sur leur travail et le déséquilibre malsain entre la vie professionnelle et la vie privée. Pour améliorer l’environnement de travail et promouvoir le bien-être des employés, les employeurs doivent reconnaître et résoudre ces problèmes. L’autonomie professionnelle s’est avérée être un prédicteur significatif de l’épuisement professionnel dans une étude menée par Halbesleben et Buckley en 2004. En d’autres mots, un niveau d’autonomie faible est associé à un niveau plus élevé de burnout.
Impliquer les travailleurs dans l’élaboration et la mise en œuvre des stratégies de prévention de l’épuisement professionnel peut également améliorer leur efficacité. Les employés ont souvent des idées uniques sur ce qui fonctionne et ce qui ne fonctionne pas. Les travailleurs sont plus susceptibles de se sentir investis dans leur réussite lorsqu’ils ont leur mot à dire dans l’élaboration des politiques et des programmes. Cette approche permet de prévenir l’épuisement professionnel en stimulant l’engagement et la motivation des employés. Par exemple, Riggle et al. (2009) ont découvert que l’implication des employés dans les processus décisionnels augmentait la satisfaction au travail et diminuait les intentions de rotation des employés (ex. changer de poste régulièrement). C’est le cas d’Amazon, une entreprise américaine, où les travailleurs des entrepôts ont signalé des conditions épuisantes et une pression extrême pour atteindre les objectifs de productivité, entraînant à l’épuisement professionnel. Candice Dixon, une ancienne employée de cette multinationale, a déclaré qu’en travaillant en collaboration avec eux, elle a « détruit son dos pour toujours » (Radio-Canada, 2019) et pense que cette industrie tient seulement à faire un rendement et rien d’autre.
Il est clair que la simple mention du problème est insuffisante. Un environnement de travail toxique se développe lorsque les employés ne sont pas activement engagés dans le processus de prévention de l’épuisement professionnel. Les entreprises doivent être plus proactives dans leur approche et vraiment écouter les expériences de leurs employés afin d’éviter de perdre des employés talentueux et de faire face à des poursuites judiciaires. Enfin, le bien-être des travailleurs est une question fondamentale de dignité humaine et de justice. Un exemple intéressant est celui de Google, un géant de la technologie, qui a assigné un ingénieur, Chade-Meng Tan, connu sous le nom de « Jolly Good Fellow », pour organiser des activités de « team building » et améliorer le bien-être des employés. En mettant en œuvre des programmes de bien-être complets adaptés aux besoins spécifiques des employés, nous pouvons favoriser une main-d’œuvre engagée et motivée. Cela comprend les initiatives telles que des ateliers de santé mentale, de réduction de stress et la mise à disposition de ressources pour l’équilibre travail-vie personnelle. Mais est-ce que ces solutions sont assez efficaces pour résoudre le problème?
Nous devons explorer les problèmes sous-jacents en plus des solutions évidentes que les entreprises proposent pour développer un lieu de travail durable et équitable qui ne mène pas à l’épuisement professionnel. En quoi consiste une lutte efficace contre le burnout? Y a-t-il plus ici que de simplement fournir des programmes de bien-être et des ressources en santé mentale? Les employeurs peuvent mieux comprendre les causes de l’épuisement professionnel et prendre des mesures importantes pour créer un milieu de travail qui favorise non seulement la productivité, mais aussi le véritable bien-être en plaçant les points de vue et les expériences des employés au cœur de leurs efforts. Après tout, le succès d’une entreprise dépend du bien-être de ses employés, ce n’est pas simplement un bien-à-avoir. Il est temps de reconsidérer nos présomptions concernant le travail et l’épuisement professionnel et d’établir une culture d’entreprise qui honore véritablement l’humanité des employés.
Références
Leiter M.P. & Maslach C. (2009). Nurse turnover: the mediating role of burnout. Journal of Nursing Management 17, 331–339. https://doi.org/10.1111/j.1365-2834.2009.01004.x
Halbesleben J.R.B. & Buckley M.R. (2004). Burnout in Organizational Life. Journal of Management 30(6) 859–879. https://core.ac.uk/download/pdf/215212832.pdf
J. Riggle, R. et al. (2009). A meta-analysis of the relationship between perceived organizational support and job outcomes: 20 years of research. Science Direct. https://doi.org/10.1016/j.jbusres.2008.05.003
Radio-Canada. (2019). La sécurité du personnel d’Amazon mise en danger au nom de la productivité. https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1406042/amazon-enquete-the-atlantic-conditions-de-travail-blessures-entrepotde Matharel L. (2015). Le « Monsieur bonheur » de Google, futur prix Nobel de la paix? L’usine Digitale. https://www.usine-digitale.fr/editorial/le-monsieur-bonheur-de-google-futur-prix-nobel-de-la-paix.N307166
Corrigé par Valérie Caron, Anne-Marie Parenteau et Ariane Pomerleau
Révisé par Florence Grenier
Illustration originale par Fanny Chenail
