Par Alexandra Lord-Proulx
Le trouble dissociatif de l’identité (TDI), aussi connu sous le nom du trouble de personnalité multiple, sème la controverse en psychologie et en psychiatrie. Le trouble n’a jamais fait l’unanimité dans la communauté scientifique. Certains implorent le caractère magique, irréel et surnaturel de ce trouble. Après tout, comment peut-on remettre en question un concept aussi fondamental que la personnalité ?
Pourtant, le trouble est présent dans les manuels de diagnostics internationaux. Le DSM-5 et le CIM-11 parlent du TDI comme étant une altération de la personnalité. Chacune des personnalités a sa propre perception du monde et conscience de soi. Les personnes atteintes du TDI font souvent face à des épisodes d’amnésie. L’ensemble des personnalités est généralement appelé « système » par les patients. Dans un système, on peut grossièrement diviser le rôle des alters. Il est également important de mentionner que le TDI découle de traumatismes extrêmes vécus lors de l’enfance. Chacune des différentes personnalités aurait alors émergé pour faire face à ces événements traumatisants prolongés (Hart et al., 2017).
On assiste à une montée en flèche de l’intérêt du public par rapport au trouble dissociatif de l’identité. Le trouble a fait plusieurs apparitions au cinéma où il est surtout dépeint comme dangereux. Dans les médias, on insiste beaucoup sur le côté violent du trouble, ce qui ne permet pas à la population de bien le comprendre dans son ensemble.
Du point de vue clinique, certaines personnes tentent de défendre l’idée que le TDI serait une manifestation de la schizophrénie. Les symptômes cliniques les plus perturbants, comme les hallucinations auditives, peuvent en effet s’apparenter à ceux de la schizophrénie. Toutefois, lorsque l’on regarde les symptômes de plus près, on peut notamment voir une différence dans le type de voix. Des conversations de voix qui se répondent, des voix d’enfants et des voix critiques sont très courantes dans le TDI et ne s’apparentent pas à des idées délirantes. Les patients ayant un TDI vivent plus de dissociation que les patients schizophrènes. Dans les deux cas, la dissociation est souvent d’origine traumatique (Piedfort-Marin et al., 2021).
Scheiner est celui qui a classifié les symptômes liés à la schizophrénie comme étant de premier ou second rang. Lorsqu’il a partagé sa théorie avec le grand public, elle était strictement réservée aux patients souffrant de schizophrénie (Schneider, 1959). On se rend compte que, dans le trouble dissociatif de l’identité, on retrouve aussi ce type de symptôme. Ceci a accentué l’idée que le TDI s’inscrivait dans la schizophrénie. Aujourd’hui, nous pouvons les différencier grâce au SCID-D (Steinberg, 1994), l’outil de référence pour diagnostiquer les troubles dissociatifs. L’idée persiste tout de même dans la communauté. Certes, il y a une étiologie commune aux deux troubles, mais leurs mécanismes sont distincts (Piedfort-Marin et al., 2021).
En ce qui concerne l’existence même du trouble dissociatif de l’identité, l’argument contre le TDI le plus répandu est que celui-ci serait induit par des professionnels ou même par les médias. Dans la sphère cinématique, le trouble dissociatif de l’identité nous a été présenté de façon assez simpliste. Les traits attribués aux personnages sont souvent spectaculaires avec des caractéristiques très prononcées. Or, les patients présentant un TDI souffrent souvent dans le silence. Ils sont rarement conscients des différentes personnalités qui les habitent. D’un autre côté, il est vrai que nous avons observé une augmentation des cas de TDI après certaines apparitions médiatiques. Cependant, pour pouvoir diagnostiquer un trouble dissociatif de l’identité, il faut beaucoup plus de symptômes que ce qu’on nous présente à la télévision. Il existerait 23 symptômes liés au TDI, dont 15 sont inconnus du grand public et même de la majorité des professionnels (Piedfort-Marin et al., 2021). Il se pourrait que les apparitions dans les médias aient mis en lumière une problématique, ce qui a permis aux patients d’obtenir l’aide adéquate.
C’est dans ce contexte que la recherche poursuit son évolution sur le sujet. Nous sommes dans une période où les connaissances se développent à une vitesse fulgurante et le TDI prend de plus en plus de place. C’est un sujet extrêmement riche et passionnant qui implique un changement de paradigme.
Références
Hart, O. van der, Nijenhuis, E. R. S., Steele, K., Mousnier-Lompré, F. et Dellucci, H. (2017). Le soi hanté: dissociation structurelle et traitement de la traumatisation chronique (Nouvelle éd. révisée). De Boeck supérieur.
Piedfort-Marin, O., Rignol, G. et Tarquinio, C. (2021). Le trouble dissociatif de l’identité : les mythes à l’épreuve des recherches scientifiques. Annales Médico-psychologiques, revue psychiatrique, 179(4), 374‑385. https://doi.org/10.1016/j.amp.2021.02.026
Schneider, K. (1959). Clinical Psychopathology. Grune & Stratton. https://books.google.ca/books?id=ofzOAAAAMAAJSteinberg, M. (1994). Interviewer’s Guide to the Structured Clinical Interview for DSM-IV Dissociative Disorders (SCID-D). American Psychiatric Association Publishing. https://books.google.ca/books?id=XDcgAX35QY8C
Corrigé par Valérie Caron, Anne-Marie Parenteau et Ariane Pomerleau
Révisé par Florence Grenier
Illustration originale par Mariam Ag Bazet
